Lou Andréas-Salomé

1861 – 1937

 

Lou redescend du Sacro Monte. Elle a admiré, seule avec Nietzsche, les eaux du lac Ora au nord de l’Italie. Son âme est agitée mais elle ne laisse rien paraître. Elle lui dira non.

Nietzsche laissera les traces de la violence de son dépit amoureux dans le chef d’œuvre écrit six mois plus tard, Zarathoustra. Lou a 21 ans et toute l’Europe connaîtra l’intensité de cette rencontre avec le professeur Nietzsche qui a 38 ans.

Sa vie est succession de rencontres intenses. Des rencontres qui laissent ses interlocuteurs émus, bouleversés, charmés, mais désarmés face au mystère que Lou leur impose. Jamais elle ne tombera le masque de la retenue. Ses passions resteront enfouies.

 

En 1897, à Rainer-Maria Rilke : « Je suis éternellement fidèle aux souvenirs ; je ne serai jamais fidèle aux hommes ». En 1912 à Sigmund Freud : « j’ai le sentiment d’être seule au monde ». 

Lou est joie, liberté, intelligence et séduction. Mais tout est contenu dans la femme de Russie du 19ème siècle qu’elle est aussi, profondément. « Votre fille est un diamant » dit à Madame Salomé, le professeur Biederman qui accueille à Zürich la jeune étudiante qui vient de quitter sa ville natale, Saint Petersbourg.

Après avoir vécu 5 ans comme frère et sœur avec Paul Rée, l’ami de Nietzsche, elle épouse Friedrich Andreas. La condition du mariage : le sexe n’aura pas de place dans leur couple. Lui se satisfait d’être le mari.

Lou rencontre son premier amant, le jeune poète Rainer-Maria Rilke : « Sois pour moi signe et oracle ! Mène ma vie à la fête ! ». Rilke a 22 ans et Lou est son aîné de 10 ans. Ce qu’elle a refusé aux hommes plus âgés auprès desquels elle cherche son père disparu, elle le donne à ce jeune homme. Rilke sera son amant pendant 3 ans et son ami pendant 30 ans.

 

Celle qui a dit non à Nietzsche impose son intelligence et sa beauté dans les milieux littéraires d’une Europe qui veut vivre, une Europe qui se fissure sous les coups de Marx, Zola, Toltoï, En Russie, Lou est romantique avec Pasternach et Pouchkine, à Paris, elle est révolutionnaire, en Allemagne poète avec Rilke, en Italie philosophe avec Nietzsche et Rée. A Vienne, elle sera psychanalyste auprès de son dernier maître, Freud. Lou répand sa joie contagieuse dans la « Mittel-Europa » effervescente qui bientôt basculera dans la grande guerre. 

Les femmes ne sont alors que mères ou gouvernantes. Lou sera femme sensuelle, élégante, habitée d’élans mystérieux qui détruiront nombre de ses conquêtes. 

La maternité se refusera à elle. 

La voulait-elle ? Une chute aboutira à la mort du seul enfant qu’elle ait porté. Ses essais et romans la font vivre, lui permette de soutenir même son mari ou son jeune poète Rilke. 

« Les hommes se bagarrent et les femmes rendent grâce » écrira pourtant Lou. 

Elle rencontre Sigmund Freud à Vienne et visite les chemins de l’inconscient. Il sera séduit, lui aussi, par cette intelligence fulgurante et exigeante. Elle cherche avec cette nouvelle clé à pénétrer son propre mystère. Devenue attentive aux souffrances de ses prochains, elle sera pendant ses 20 dernières années la psychanalyste de Göttingen.

 

Femme indépendante, femme créatrice, femme séductrice. Lou se cherche, se trouve et se livre comme une énigme.

 

Texte Paul H. Barre