Jeanne Hébuterne

1898 - 1920

 

Jeanne prend la pose pour Modigliani. Il le lui a demandé. Pour lui, comme lui, Jeanne se fait séductrice italienne.

 

Le peintre de Montparnasse, pauvre immigré juif d’Italie, au talent insolent, un peu alcoolique, veut d’abord saisir son visage. Il finira par la saisir entièrement, il la prendra comme un voleur se saisit de l’objet, discret et habile. Il lui rendra son visage sur la toile colorée, sous ses pinceaux, fragile, gracieuse, élancée et si délicatement féminine.

 

Elle a 19 ans en 1917. Jeanne déploie sa volonté, sa liberté, son amour pour Amadeo Modigliani. Pour vivre cette liberté, elle s’oppose à ses parents qui ne veulent pas de cette liaison avec un artiste forcément raté, puisque juif et italien. Son père préfère la bourgeoisie catholique française et en adopte les postures les plus caricaturales.

 

Mais Jeanne a compris son « Modi ». Elle peint elle aussi alors que la France est en guerre.

Elle veut hurler son amour, par sa propre peinture, par le soutien qu’elle donne au génial italien qui sombre en abusant des stupéfiants.

 

Modigliani va mourir. Il se meure de la tuberculose, aggravée par ses excès répétés, jamais soignés. Jeanne l’accompagne jusqu’au bout. Elle veut retenir le génie qui l’a prise pour modèle pour ses plus grands chefs d’oeuvre. Mais la pente s’accélère. Il est mort. Jeanne, usée par l’affrontement d’un si grand génie, se jette par la fenêtre emportant dans la mort l’enfant de Modigliani qu’elle porte dans ses entrailles. Elle a 21 ans et s’échappe d’une vie trop courte qui lui a refusé le bonheur en la comblant de passions.

 

Texte Paul H. Barre