Joséphine Baker

1906 – 1975

 

Joséphine pose pour son portrait, elle a tout d’une riche blanche. La robe de son couturier favori Paul Poiret, ses bijoux, sa fourrure, ses strass lui donnent un air de grande dame. Elle est une artiste célèbre, les gens de tous les milieux l’acclament de Montmartre à Montparnasse. 

Ce phénomène de société, qui n’hésite pas à se dénuder et danser des danses tribales a conquis Paris et divisé l’Europe. Ce tourbillon de folies autour de son corps, à la sensualité animale, lui fait oublier dans cette Europe des années folles la couleur de sa peau. 

 

Pourtant son regard se tourne vers l’Amérique. Elle veut être reconnue chez elle, dans son pays. 

À huit ans, elle était placée dans les maisons des blancs pour travailler, le plus souvent maltraitée. Elle supporte cette ségrégation par la danse quotidienne dans la rue. Mais elle n’oubliera jamais cette journée à Saint Louis de 1917, où plusieurs noirs furent tués et des milliers se retrouvèrent sans abris.  

Cette peur la poussa à se libérer par des créations de mises en scènes fantaisistes chez sa grand-mère. Cette énergie d’expression artistique dans ses premiers  spectacles ne la quittera plus…

 

Joséphine se laisse bercer par l’espoir d’obtenir la reconnaissance dans une Amérique fermée au mélange des races et des classes. Joséphine souhaite voir ces hommes et ces femmes de couleur de peaux différentes assister à ses spectacles, dans la même salle. 

N’est elle pas une grande artiste digne des meilleurs salles de New York ? Sa notoriété bien établie en France lui permettrait d’effacer dans la mémoire publique ses racines pauvres et noires. 

Hélas, sa réussite sociale ne suffira pas à faire oublier ses origines: « une négresse artiste et danseuse de cabaret ».

 

La volonté de Joséphine de repousser les limites dans des causes importantes permettra des petites avancées dans l’histoire. 

Pourtant ses choix de venir en aide à la population noire, à la Résistance Française et à l’abandon des enfants seront justes, mais ne lui apporteront pas la paix intérieure. 

Joséphine dépensera son énergie  dans des combats, pour tenter de faire accepter au monde, les différences et les injustices des hommes, des femmes et des enfants, par des actes honorables et sacrificiels. 

Cette non reconnaissance de la société à la différence de l’individu, semble refléter son propre rejet d’elle-même. En tant que femme noire issue de la classe pauvre de l’Amérique, elle se sert des expressions de son corps les plus primitives pour gagner sa vie. Elle refuse que, seules ses différences et ses clowneries lui permettent d’être accepté dans la société. 

Malheureusement, sa vie disparate due à l’instabilité de son enfance ne pourra la préparer à devenir cette femme mondaine à l’éducation irréprochable, le phantasme absolu de Joséphine.  Néanmoins, par sa propre volonté, Joséphine a réalisé son rêve de devenir une grande artiste et de se sauver de la misère, cela ne suffit-il pas ?

 

Par son courage, son équité, sa joie de vivre et son naturel, elle démontrera la grandeur de son cœur, prouvant à une époque plus lointaine que les femmes différentes du modèle de la société possèdent autant de valeurs.

Malgré son obsession, l’histoire fera d’elle la première grande artiste de couleur reconnue à son époque.

 

Texte Laurence Fossati