Niki de Saint Phalle

1930 – 2002

 

« J’ai commencé à peindre chez les fous… » 

Dans cet endroit où la limite entre la création et la folie semble se fondre, celle à qui la vie semblait vide de sens, se trouve enfin.

L’isolement forcé en psychiatrie et les électrochocs plongent Niki dans une quête intérieure.

Niki guérit par la création en y exprimant ses sentiments, ses peurs, sa violence. Les espoirs et la joie, façonnent une nouvelle Niki, artiste, en la sauvant de l’enfer. 

Elle en a terminé avec sa vie de mannequin chez Vogue et autres magasines.

 

Catherine Marie-Agnès Fal, de son vrai nom, est née dans la France bourgeoise des années trente, et suivra ses parents  aux États unis, pays d’origine de sa mère.

Cette jeune femme obéissante, se sacrifiera pour la dernière fois en épousant  par convenance familiale et religieuse Harry Mathews. Cette Niki de paillettes et de paraître s’efface laissant place à « un monde plus intérieur, plus féminin », l’être intérieur de  Niki puissant et tellement impatient de s’exprimer à travers l’art.  

 

Le regard clair de ce portrait ne peut cacher une tristesse due au drame de son enfance, ce secret se révélera peu à peu à travers ses œuvres.

En raison d’une relation incestueuse, de l’abandon d’un amant et du rejet de la société, Niki règle ses comptes au fusil sur des cibles représentatives de l’homme. Ses blessures béantes en son cœur coulent en couleurs éclatées sur ses cibles abstraites.

Paradoxalement cette libération la propulse aux portes de sa carrière artistique.

En France, devenue indépendante, rebelle et admirée, elle est accueillit au sein des Nouveaux Réalistes par des grands hommes de Deschamps à Christo. Elle fait la connaissance de son futur deuxième mari Jean Tinguely.

Le corps de la femme prédomine son œuvre, les proportions monumentales de ses femmes sculptées, repoussent les limites de la bienséance et choquent. Cet équilibre fragile entre la vulgarité d’une pose et la souffrance d’un corps bafoué, représente le combat interne de l’artiste. 

Cette artiste autodidacte n’a de cesse d’explorer l’injustice féminine et certaines grandes causes où le sexe figure, par des techniques variées, jusqu’à mettre sa santé en danger.

En utilisant des matériaux récupérés et du polyester pour les installer à l’extérieur, ses œuvres s’imposent hors cadre.

Cette force en elle transmute ses démons en lumière, car chaque œuvre créée par Niki de Saint Phalle ne peut être qu’un résultat d’une connexion à une autre dimension. 

 

En conscientisant son féminin créatif, Niki de Saint Phalle s’associe à son mari Jean, constructeur des ossatures de ses œuvres. Grâce aux créations des structures en métal de Jean Tinguely, Niki se réalise et s’exprime pleinement. 

Cette association de polarités opposées mais complémentaires formera un duo inséparable à travers l’histoire de l’art. 

 

La libération de l’artiste ne pourrait être totale sans les derniers règlements de compte, à travers « Daddy », son unique film.

Ce lourd héritage fera la lumière sur l’œuvre complète de Niki de Saint Phalle, femme artiste multidisciplinaire, expurgeant l’incestueux outrage infligé à son corps, par un art joyeux et coloré.

 

Texte Laurence Fossati