Louise Brooks

1906 – 1985

 

Le regard encore empâté de la misère de son personnage, Louise, actrice, vient de boucler la dernière scène de Loulou. Sous la direction du réalisateur allemand G.W. Pabst, Loulou donne toute sa sensualité et sa verve acidulée, pour ce rôle de femme aux mœurs sexuelles, plutôt crues. 

Dans ce cinéma européen de 1929, Louise, en reconnaît la liberté, d’y exprimer toutes les palettes d’émotions spoliées par son pays d’origine, une Amérique trop puritaine.  

Elle vient de refuser l’enregistrement des paroles du film muet, The Canary Murder Case, et dédaigne son contrat chez Paramount. 

 

Cette Amérique, ne lui pardonnera jamais cette escapade créative vers l’Europe. À son retour, l’industrie cinématographique, la consignera sur la liste noire et censurera ses films jugés trop « adulte », mettant fin à sa carrière, bien trop tôt.

Le peintre a saisi cet instant fragile de Loulou, où elle semble nous dire :

Un sourire pourquoi ?

Pour certains hommes, le sourire d’une jolie femme est une invitation sexuelle. 

Les commissures de ses lèvres deviennent amères. 

Une musique lente rejaillit à la surface de sa mémoire,  les airs de Satie et de Debussy joués au piano par sa mère envahissent l’espace et viennent se confondre aux lectures de son père. Au Kansas, dans une Amérique profonde, les parents de Louise s’absentent souvent. Elle se console de leur absence, avec la littérature, la musique et la danse, mais isolée, dans ce début de siècle, un voisin en profitera pour abuser sexuellement de l’adolescente qu’elle est encore.

 

Ce drame influencera sa carrière et sa vie privée, par une suite d’insatisfactions et d’expériences, ambiguës, à la limite de la morale.

Cette blessure à jamais ancrée dans son corps et son âme la rendront incapable d’aimer vraiment. 

Malgré sa grande beauté, son sourire refusera d’apparaitre et se fera rare sur la pellicule du cinématographe et des photographies de la grande époque des années folles.

Son regard noir mis en valeur par sa coupe garçonne, devient provocateur. Il nous invite dans ce monde où Louise s’efface devant la personnalité, émancipée, érotique, libre et forte, d’une icone d’un monde entre deux guerres où le progrès  commence son implacable marche.

 

Cette force dans le regard des femmes humiliées, ne lui permettra pas d’atteindre une tranquillité qu’elle souhaite. 

Mais comme toutes les femme possédant une personnalité étonnante, la solitude accompagnera Louise jusqu’ à sa mort en 1985. 

Elle reconnaitra qu’une malédiction pèse sur elle : « mon propre échec en tant qu’être humain dans cette société »

 

Texte Laurence Fossati