Gabrielle Chanel

1883 - 1971

 

Assise seule sur les marches de son hôtel de la rue Cambon à Paris, Coco assiste au défilé de ses derniers modèles. Elle reçoit avec soulagement l’accueil réservé à ses nouvelles créations. 

Le regard est pourtant inquiet, intense, fermé, inaccessible. Mais son émotion est trahie par les perles désordonnées du collier qui cherchent un refuge sur ce corps brulant de passion. Elle a oublié d’allumer la cigarette dont les volutes devaient servir de paravent. Alors le peintre l’a saisie.

 

« J’ai le dégoût très sûr » disait Jules Renard. Gabrielle Chanel en a fait sa maxime. Les militaires l’écoutent chanter à Moulins et la nomment Coco. Elle a 24 ans. 

Elle est orpheline depuis longtemps. 

La couture est dans ses doigts depuis l’enfance, talent hérité de sa mère. D’abord les chapeaux, puis les habits des femmes. Coco veut les libérer dans des habits sans ceinture, sans corset, fait parfois de tissus empruntés aux hommes. Lisse, droit, beige, noir ou blanc, Coco habille les femmes de costumes androgynes. Elle bouleverse les codes du siècle.

 

Le plus difficile, c’est la simplicité. Coco choisira la difficulté. Elle est un style, pas une mode.  

Une robe noire car il n’y a que le noir qui fait ressortir les yeux. Une robe en dessous du genou car il faut cacher ce qui est laid. Sa haine de la laideur la mène à vouloir habiller le monde des habits sublimes de la souffrance.

Coco Chanel ne sera la femme de personne. Trop violente, trop indépendante, trop amoureuse, Mademoiselle veut rester simplement femme. Et ses amants célèbres et nombreux trouveront en elle le mystère de la beauté féminine la plus parfaite car la plus simple. Mais ils la quitteront tous, lassés de cette femme rendue acariâtre  par le succès. Son orgueil est à la mesure de sa souffrance.

 

« Si une femme est mal habillée, on remarque sa robe mais si elle est impeccablement vêtue, c'est elle que l'on remarque » disait-elle. Coco Chanel a été remarquée jusqu’en sa mort, en 1971, seule dans sa suite du Ritz, un dimanche, le jour qu’elle n’aimait pas car le jour où l’on ne travaille pas. 

 

Texte Paul H. Barre